Banc d'essai Hyphn / hi-fi news / 5 mai 2023

Il y a fort à parier que vous n'avez jamais rien vu de comparable à l'enceinte Monitor Audio Hyphn - dont la valeur dépasse les 80000 euros. Pourtant, en observant de plus près ces deux piliers distincts reliés entre eux par un « trait d’union » central, on s'aperçoit rapidement ici que le fond est à la hauteur de la forme. Et bien que cette configuration originale puisse rappeler aux yeux les moins compatissants une sorte de pince à linge géante, les audiophiles ne tarderont pas à comprendre l’idée que sous tend ces enceintes inhabituelles par rapport aux conceptions traditionnelles de type « boîte, dômes et cônes ».

Présentées pour la première fois au High End Show de Munich en 2022, elles ont fait sensation. Baptisées alors Concept 50, elles devaient être commercialisées à la fin de l'année dernière pour marquer le demi-siècle de l'entreprise, fondée en 1972 par le génial Mo Iqbal. Le temps a passé et les enceintes sont enfin là, la « Concept » étant devenu l’Hyphn, et la réalité étant disponible dans le blanc mat de ce prototype, ainsi qu'en noir mat et en « Heritage Green »- la dernière de ces couleurs étant une nuance profonde et sombre ressemblant presque à du noir.

Pourquoi ce nom ?

Bien entendu, la couleur n'est qu'un élément secondaire de l'impact visuel des Hyphns. L'œil est immédiatement attiré par ces deux enceintes en miroir, formées à partir d'un mélange de minéraux et d'acrylique exceptionnellement dense, rigide et inerte, chauffé et moulé dans la forme requise.  Les deux enceintes sont reliées par une « bande » placée à l'avant, dont nous reparlerons plus tard, et qui est également à l'origine de son nom : en termes architecturaux, un « hyphen » – trait d’union - est une structure reliant deux édifices plus grands, comme le « Skybridge » surélevé entre les tours Petronas à Kuala Lumpur, en Malaisie.

Chacun des deux piliers de chaque Hyphn abrite une paire de haut-parleurs de basses RDT III (Rigid Diaphragm Technology III) opposés de 200 mm, raccordés à un évent sortant par la base découpée de chaque pied, soutenu par une paire de pointes en alliage usiné. Ce dispositif de basses est conçu pour annuler les forces, les haut-parleurs de graves opposés horizontalement signifiant, comme le dit la société, que « l'énergie vibratoire indésirable que chaque haut-parleur génère à partir d'un signal audio est annulée par son jumeau opposé ».

Les coffres ont une épaisseur de paroi de 12 à 24 mm et comprennent des ports et des renforts moulés et usinés dans le matériau lui-même. L'effet est impressionnant, ce matériau composite donne une impression de fraîcheur, de douceur et de solidité rassurante, quelle que soit la finition  choisie.

La « bande » centrale - qui ressemble à la ceinture d'un boxeur ayant remporté un championnat important, avec le reflet subtil des haut-parleurs derrière leur grille de protection - contient ce que la société appelle son « M-Array ». Cette combinaison de technologies hautes et moyennes fréquences comprend un anneau de six haut-parleurs médium RDT III de 50 mm entourant un seul tweeter MPD (Micro Pleated Diaphragm), ce qui fait un total de 11 haut-parleurs dans chaque enceinte.

Diviser pour mieux régner

Les haut-parleurs de médium et le tweeter sont des conceptions internes, la dernière génération de la Rigid Diaphragm Technology, utilisant toujours l'alliage léger et rigide recouvert de céramique de Monitor Audio, maintenant renforcé et amorti par deux couches de fibre de carbone à l'arrière.
Les six transducteurs de médium combinés offrent une surface d'attaque légèrement supérieure à celle du seul transducteur de médium RDT III de 102 mm utilisé dans les derniers modèles Platinum 3G, ce qui apporte des avantages en termes de bande passante (conception du filtre), de réduction de la distorsion et de contrôle de la dispersion. Le tweeter MPD III, dévoilé pour les modèles du 50e anniversaire de Monitor Audio, se trouve dans son propre guide d'ondes et représente l'apogée de la conception du tweeter AMT/ruban ultra-léger de la marque.

La bande elle-même comporte une « armature acoustique » en résine imprimée en 3D qui s'insère dans le cadre en alliage usiné - toutes les fixations étant dissimulées par des panneaux métalliques à fixation magnétique sur la face extérieure de chaque pilier. Il ne s'agit donc pas d'une enceinte minimaliste, que ce soit par le nombre de haut-parleurs ou par la conception et la construction de l'ensemble. Bien sûr, en plaçant les quatre haut-parleurs de basses qui sont dirigés vers l'intérieur de l'espace entre les deux colonnes, et en plaçant la section médium/aiguë à l'avant, Monitor Audio vise un effet de « source ponctuelle », où toutes les fréquences semblent émaner du même point.

Questions concentriques

D'autres marques, dont Tannoy, KEF, ELAC et, plus récemment, MoFi avec son SourcePoint 10, utilisent des haut-parleurs concentriques pour les médiums et les aigus (ou les graves/médiums et aigus) afin d'obtenir une source ponctuelle véritablement coïncidente. Monitor Audio n'est pas convaincu, affirmant que « les haut-parleurs concentriques doubles traditionnels ajoutent une distorsion d'intermodulation au tweeter en raison du déplacement de la membrane du médium, qui forme le guide d'ondes du tweeter. Le guide d'ondes du tweeter de Monitor Audio est fixe et les haut-parleurs créent un baffle plat autour du tweeter, [de sorte] qu'il n'y a pas de distorsion d'intermodulation supplémentaire et que le médium puisse fonctionner à son plein potentiel ».

La conception du filtre à trois voies a également fait l'objet de quelques modifications depuis la présentation de la Concept 50. Après une série de séances d'écoute à l’aveugle au siège de Monitor Audio, l'équipe de conception a opté pour des Claritycaps haut de gamme et des inductances encapsulées, ces dernières étant conçues pour réduire les vibrations dans les enroulements.

La nouvelle disposition des filtres est divisée en sections HF, MF et LF afin de réduire l'interaction entre les circuits, tandis que la disposition des circuits imprimés a été optimisée pour la mise à la terre et la qualité du signal. Enfin, les filtres sont désormais découplés de l'intérieur du coffre en polymère/minéral afin d'isoler autant que possible les composants de toute vibration transmise.

On peut affirmer sans se tromper qu'aucune autre enceinte ne ressemble à l'Hyphn (à l'intérieur comme à l'extérieur) - elle fait certainement beaucoup d'effet lorsqu'elle est installée dans la salle d'écoute, avec une hauteur de près de 1,4 m et un poids considérable de 107 kg par enceinte. Mais comme je l'ai mentionné dans le paragraphe d'introduction, le « fond » fait ici honneur à la « forme », et bien que le style soit certainement très différent, il n'est pas difficile de voir où l'équipe d'ingénieurs de Monitor Audio veut en venir.

Premier round…

Les basses sont profondes, puissantes et pourtant étroitement contrôlées, les enceintes offrant le type de définition que certains considèrent comme la marque de fabrique des moniteurs compacts, mais avec toute l'extension des basses fréquences que leur taille suggère.  Par exemple, avec le premier album éponyme de Dire Straits, « Setting Me Up » a toute la fraîcheur d'enceintes beaucoup plus petites - ce qui est une bonne chose - avec des timbres vocaux et instrumentaux très détaillés, et un claquement de basse appréciable.

Deuxième round

S'il y a un « mais » ici, c'est que même avec des morceaux simples comme celui-ci, les Hyphns ont besoin d'une bonne dose de puissance d'amplification pour les motiver, et on pourrait même suggérer que l'ampli Halcro était limité à cet égard. Avec des morceaux plus grandiloquents et plus complexes, on approchait de ses limites, et c'est alors que l'ampli Constellation a déployé ses muscles avec succès.

Ces enceintes ont une zone de confort très large, qui inclut des niveaux de volume extrêmement élevés que la plupart des auditeurs ne souhaiteront jamais rencontrer. Avec « The Land's End » de Cala, extrait du récent album From The River, les bois respirent finement et s'inscrivent dans un flux sonore puissant et atmosphérique avec une imagerie solide comme le roc, puis le morceau prend de l'ampleur et de l'élan lorsque le violon et les percussions entrent en jeu. Le son est rapide et percutant tout en conservant son équilibre, y compris lorsque deux contre-rythmes se succèdent, la chaleur de la présentation rehaussant le flux musical au lieu de lui nuire.

Changez de rythme pour le son éthéré des Vêpres - All-Night Vigil de Rachmaninov, gracieuseté du King's College Choir de Londres, et la richesse des Hyphns offre une écoute magnifiquement équilibrée et atmosphérique, à la fois intime et avec une sensation palpable d'espace dans le son. Il y a beaucoup de détails dans les voix, et absolument aucun durcissement lorsque le volume augmente. Avec un autre enregistrement de Rachmaninov - cette fois le Minnesota Symphony Orchestra/ Eiji Oue 'Symphonic Dances' - les mêmes qualités sont mises en évidence.

Naturellement, toute cette ingéniosité ne servirait à rien si l'Hyphn n'offrait pas un son à la hauteur de son apparence, et heureusement, elle tient toutes ses promesses d'ingénierie.
Utilisées avec les amplis de puissance Halcro Eclipse Stereo et Constellation Centaur II Stereo, avec notre musique provenant d'une bibliothèque musicale Aurender W20SE et du DAC dCS Vivaldi APEX, les enceintes Hyphn ont rapidement pris leurs marques sur le plan sonore. Dès le départ, la présentation était telle que l'on ne pouvait pas croire que tous ces haut-parleurs agissaient en même temps, car il s'agit clairement d'une enceinte qui offre une cohérence et une intégration remarquables.

Alors que certaines conceptions - même celles qui ont des aspirations élevées - peuvent rendre trop évident le fait que le son est transmis entre les haut-parleurs, les aigus venant de plus haut que les médiums, et les basses étant clairement délivrées par les grands haut-parleurs, il n'y a rien de tout cela dans le cas présent. Au lieu de cela, on a juste l'impression que tout le son provient de la « ceinture Lonsdale », flottant hors des enceintes pour créer une scène sonore étendue et parfaitement ciblée.

Ces enceintes sont tellement douées pour restituer l'ampleur des forces orchestrales tout en offrant une excellente visibilité - le son est légèrement chaud et luxuriant, mais jamais de manière excessive, ce qui les rend bien élevées et raffinées plutôt que discrètes. Cultivées et faciles à écouter, elles sont totalement engageantes, sans que l'on ait l'impression que les enceintes en fassent trop.

Elles volent comme le papillon…

Elles sont impressionnantes de punch et de substance sur l'enregistrement live de 1974 de Dark Side Of The Moon de Pink Floyd, récemment remasterisé, que je trouve un peu plus intéressant que le remaster du 50e anniversaire de l'album studio, sorti simultanément. L'enregistrement de la BBC a juste assez d'ambiance live pour se démarquer, et apporter de la fraîcheur à la musique, y compris sur l'entraînant 'On The Run', et tous ses effets de studio.
Il en va de même pour l'album With Orchestra Live At Wembley de The Who, enregistré beaucoup plus récemment. Ici, les Hyphns montrent que la guitare de Pete Townshend peut encore claquer et la voix de Roger Daltrey grogner, mais elles tirent également le meilleur parti de la chaleur supplémentaire apportée par le soutien d'un « big band » de 57 musiciens, que ce soit sur le morceau d'ouverture « Who Are You » ou des classiques comme « Baba O'Riley », ce dernier étant également remarquable grâce à la contribution chantée du public.
Avec ce disque et le classique Floyd, l'Hyphn montre sa puissance de feu et sa capacité à jouer les gros bras quand c'est nécessaire, mais aussi, l'instant d'après, à revenir à la luxuriance et à l'intimité. Par exemple, avec le radieux récital Eden de Joyce DiDonato, chaque mot de « As With Rosy Steps The Morn », extrait de Theodora de Haendel, est d'une clarté cristalline, grâce à la perspective ciblée et perspicace des enceintes sur la voix remarquable de la chanteuse, avec chaque nuance de timbre mise à profit pour inspection. Mais vous pouvez tout aussi bien vous contenter d'apprécier la magie de la performance - ces enceintes fonctionnent sur les deux plans.
Passons à Memento Mori de Depeche Mode, récemment sorti. Les années s'envolent tandis que les Hyphns interprètent les hymnes « People Are Good » et « Never Let Me Go » comme si rien n'avait changé. Tous les synthés et les détails sonnants de 'Ghosts Again' sonnent magnifiquement, tandis que le rythme profond de ce morceau est géré avec rapidité et dextérité par la disposition inhabituelle des basses des haut-parleurs. Personne ne revendique la qualité audiophile de cet enregistrement, mais il est certainement à la hauteur de l'impact émotionnel.

…et piquent comme l’abeille.

Sous réserve de ne pas abuser du volume à moins d'avoir une grande puissance sous la main, il en va de même pour la merveilleuse transcription pour orgue des 'Sea Interludes' de Britten par Anna Lapwood sur son album Images. Oui, les Hyphns font trembler la salle, mais ce qui impressionne le plus, c'est la présence pure et simple du grand instrument de Harrison & Harrison dans l'espace nocturne de la cathédrale d'Ely. On peut sentir l'air qui l'entoure et la façon dont les notes dynamisent l'édifice, avec un effet saisissant.

Tout aussi excitant, cependant, est le son des Hyphns, calme et retenu, sur le morceau « Mercury » du trio de jazz australien Trichotomy, extrait de l'ensemble To Vanish, produit de manière immaculée. Il n'y a ici que du piano, de la basse et de la batterie, mais tout est joué à travers des processeurs, et le piano est poussé toujours plus loin par la basse et la percussion. On ressent une superbe impression d'élan et de musicalité, avec une grande échelle et une grande précision dans le piano, des basses tendues et sonores et des percussions percutantes, alors que les Hyphns délivrent un compte-rendu fiable, propre, clair et généreux de l'enregistrement. Ce sont des enceintes incontournables, quels que soient vos goûts musicaux.