Banc d'essai Miracord 80 / avforums / 3 février 2023

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Verdict

Et c'est cette cohérence qui, à mon avis, fera le bonheur des quelques convertis à cette platine Elac. Ce n'est pas le choix le plus évident à ce niveau de prix, mais Elac a pris soin de construire une platine qui s'impose au-delà du badge figurant sur sa façade. La Miracord 80 est l'un des meilleurs moyens que j'aie jamais vu de mettre la main sur une conception de masse relativement élevée avec un bras de 25 cm particulièrement soignée. Le résultat est une platine qui met en valeur ses vertus sans demander grand-chose à son propriétaire. Je serais tenté de dire que la meilleure performance potentielle viendrait d'un achat sans cellule et d'un choix personnel concernant celle-ci, mais la D96 n'est pas sans charme. Ce n'est pas une platine "opportuniste" et elle devrait plaire à un bon nombre de personnes prêtes à l'écouter. Pour cette raison, la Miracord 80 est recommandée avec enthousiasme.

Introduction - L’Elac Miracord 80, qu'est-ce que c'est ?

L'Elac Miracord 80 est une platine à entraînement par courroie sans suspension et, du moins en apparence, elle ressemble à ce qui se faisait beaucoup il y a quelques années. Face à une explosion de la demande de platines, toutes sortes de fabricants, ayant peu ou pas d'expérience préalable de ce type d'appareils, se sont lancées sur ce marché à la recherche de nouveaux clients. Comme lors de la grande ruée vers les casques audio d’il y a quelques années, un petit nombre de fabricants ont tenu bon, mais beaucoup ont découvert que la conception de platines était un peu plus complexe que prévue, et sont revenues à leurs compétences de base.

En réalité, la Miracord 80 est un peu plus que cela, comme nous allons le voir. Elle découle d’une philosophie et d’une mise en œuvre qui en font bien plus qu'un produit "opportuniste" - et nous traiterons de tout cela un peu plus loin. Ce qui importe le plus ici, c'est qu'Elac ne se lance pas sur le marché du vinyle pour la première fois. La Miracord 80 est le fleuron d'une gamme entière de platines, ce qui traduit un engagement nettement plus important de la marque. Il convient également de noter que la maison Elac a déjà été active dans ce domaine auparavant, même si c'était il y a longtemps. La marque allemande a commencé à fabriquer des platines en 1948, et a continué à le faire pendant de nombreuses années par la suite. L'importance de cette activité antérieure dans votre perception de la crédibilité de la marque vous appartient, même si ce n’est plus le domaine de prédilection de cette dernière désormais.

Quoi qu'il en soit, héritage ou pas, cela ne change rien au fait que nous naviguons ici dans la classe des platines de qualité. Mais qu'est-ce que cette proposition d'une maison mieux connue pour ses très bonnes enceintes peut faire pour vous détourner de ces dernières ? J'ai procédé à l’écoute de disques vraiment exigeants afin de répondre à cette question.

Caractéristiques et conception

Les fondamentaux de la Miracord 80 sont largement conformes à ce que l'on peut raisonnablement s'attendre à rencontrer dans cette gamme de prix. La suspension est un élément complexe qui rend l'appareil souvent plus difficile à régler, c'est pourquoi Elac fait le choix d’y renoncer ici. La motorisation directe présente certains avantages mais aussi quelques inconvénients potentiels, et le nombre limité de fournisseurs de moteurs et de systèmes d'entraînement justifie que la maison opte sur la Miracord 80 pour un entraînement par courroie. Jusqu'ici, tout est normal.

Avant de considérer la platine Elac comme un kit vinyle tout ce qu’il y a de plus générique, il convient de noter que certains de ses composant sortent tout de même un brin du lot. Le roulement et le plateau de la platine Miracord 80 sont des pièces relativement inhabituelles étant donné son prix. Elac précise que le roulement est entièrement fabriqué par ses soins et, bien que je n'aie pas consulté la liste exhaustive des caractéristiques qualitatives types de ce genre d’éléments, il ne me semble pas du tout standard. Le plateau - de 5,6 kg - est également inhabituellement massif pour ce prix. Bien qu’il existe des modèles de Pro-Ject au même prix dont les plateaux sont aussi lourds, la plupart de ses rivaux ne sont pas aussi bien équipés.

Ce point est important car il existe deux – principales, car comme pour toute chose en Hi-Fi, il existe toujours de petits groupes alternatifs de personnes aux idées complètement différentes - écoles de pensée concernant la conception des plateaux. Certaines marques préfèrent les conceptions à masse limitée, qui sont étroitement couplées au moteur, avec peu ou pas d'inertie. Le modèle Elac s'inscrit dans une démarche opposée : un plateau plus lourd crée un effet de "volant d'inertie" qui permet une plus grande stabilité au niveau de la tonalité. Un plateau de cinq kilos à deux mille et quelques euros est relativement rare et, combiné à ce roulement, cela signifie que si vous le faites tourner à la main avec la courroie retirée, le plateau tourne pendant une durée significative.

Elac contrôle le plateau à l'aide d'un servomoteur à courant continu doté d'un contrôleur optique qui promet une stabilité et des mesures de tonalité solides pour ce prix. L'alimentation se fait via un bloc d'alimentation de type wall wart fonctionnant à 12V. Curieusement, sur le panneau arrière de la Miracord 80, vous trouverez un connecteur à quatre broches dont il n'est pas fait mention dans la documentation de presse. Il est possible qu'un bloc d'alimentation externe plus élaboré puisse encore apparaître mais, comme toujours, il vaut mieux ne pas supposer qu'une telle chose existe avant qu'elle ne se concrétise.

Cet agencement de l'alimentation permet à la platine Elac de bénéficier d'un contrôle électronique de la vitesse par le biais d'un grand circuit de contrôle situé sur la plaque supérieure, ce qui est toujours appréciable. Le plateau lourd et le moteur relativement petit signifient que le temps de mise en route est assez lent, mais la Miracord 80 atteindra sa vitesse de croisière sans difficulté. Le montage de la courroie est relativement simple, même en l'absence de toute forme de rainure ou d'évidement sur le bord du plateau.

Cette impression que la Miracord 80 est loin d'être un appareil improvisé se poursuit avec le bras de lecture. Il s'agit d'un tube en fibre de carbone de 25 cm monté sur un ensemble de roulements conventionnels - c'est-à-dire de type non unipivot. Nous avons déjà vu des bras de 25 cm sur la MoFi Studiodeck et la VPI Prime, mais c'est une chose assez rare. Détail plutôt astucieux, la Miracord 80 est nettement plus étroite que les deux modèles précités, car il semble qu'Elac ait maintenu la longueur du pivot par rapport à l'axe en déplaçant le bras vers l'arrière et l’extérieur.

La platine Elac peut être commandée sans cellule, et ce bras présente quelques caractéristiques abondant dans ce sens. Le contrepoids équilibrera la plupart des cellules que vous êtes susceptibles de rencontrer, et l'anti-skating ainsi que le réglage VTA renforcent cette flexibilité. Il y a ensuite un dispositif de tête de lecture détachable à l'extrémité du bras. Je suis bien conscient des arguments nombreux et variés selon lesquels les têtes amovibles sont moins appréciées que les bras en une seule pièce, mais lorsqu’il s'agit de changer une cellule, elles sont plutôt pratiques. Il convient de noter que ce bras est un modèle droit, avec un déport au niveau de la tête de lecture, de sorte que la plupart des modèles du marché secondaire ne s'y adapteront pas.

Si vous décidez de commander votre Miracord 80 avec une cellule pré-installée, le choix d'Elac est assez intéressant. En général, lorsqu'un fabricant opte pour une cellule pré-montée, elle fait son choix entre des modèles Audio Technica ou Ortofon. La "D96", par contre, est fabriquée pour Elac par les Allemands de Clearaudio. Ce point est intéressant, non pas parce que Clearaudio n'a pas l'habitude de faire ce genre de choses - ils le font même très bien - mais parce que cela suggère que d'autres composants de la platine Miracord 80 pourraient également provenir de chez eux... mais rien de cela n’est officiel. Sur un plan plus terre à terre, le modèle D96 est bien fini et présente des caractéristiques décentes.

Dans son ensemble, cette platine Elac donne l'impression d'être un produit sérieux, et évite de paraître grossière ou banale. La finition en bois de la partie supérieure du socle de l'échantillon testé semble... assez allemande... mais je l'aime bien ; il y a un côté intemporel dans la Miracord 80 qui n'est ni ouvertement rétro, ni douloureusement moderne. Elle complétera une grande variété de systèmes avec élégance. La construction est également de bonne facture, tous les principaux points de contact semblant bien assemblés et soigneusement finis. Les 200 euros supplémentaires demandés par Elac pour le capot peuvent être considérés comme optimistes, ou du vol pur et simple, selon votre vision du monde.

Une dernière chose que je trouve intéressante à propos de la Miracord 80 n'est pas tant les caractéristiques qu'elle possède, que celles qu'Elac a choisi de ne pas intégrer. Les produits de cette nature qui ne sont pas confectionnés par des fabricants de platines ont tendance à se rapprocher du domaine des produits lifestyle, et je ne dis pas cela de manière péjorative. Un produit comme la Cambridge Audio Alva TTv2 par exemple, est équipé de fonctions qui indiquent que les personnes qui ne sont pas impliquées à cent pour cent dans la lecture analogique trouveront ce produit facile à vivre. La platine Elac n'est pas exactement minimaliste, mais ne présente pas d'étage phono, et encore moins de Bluetooth ou d'autres agréments. Il est possible de remplacer les cellules et de bidouiller des tapis, des pieds et des supports de rechange, il semble donc que cet appareil s'adresse à des personnes déjà familiarisées avec le vinyle.

Dans quelles conditions la Miracord 80 a-t-elle été testée ?

L'essentiel des tests a été effectué via l'entrée à aimant mobile d'un Rega Elex Mk4 - après que je me sois familiarisé avec le Rega via le combo AVID Ingenium/SME/Vertere - et des enceintes Neat Petite Classic, et Bowers & Wilkins 705 S3. Des tests supplémentaires ont été effectués avec un Exposure VXN Phono fonctionnant avec un Cambridge Audio Edge A et des enceintes Kudos Titan 505. Le support testé a évidemment été le vinyle.

Performances

Tout d'abord, les fondamentaux. Le Miracord 80 traite les points essentiels de manière tout à fait compétente. La stabilité de la tonalité, même lorsqu'elle est testée sur les disques les plus difficiles à jouer, comme Spaces de Nils Frahm, est extrêmement bonne. Ceci est couplé à un plancher de bruit qui est aussi proche que possible de l’inaudible dans toutes les conditions de test. N'oubliez pas qu'il ne s'agit pas de louanges, mais de la norme de base que nous devrions attendre d'une platine à ce niveau de prix - dans la mesure où une Pro-Ject Debut Pro pourrait très bien faire tout cela pour moins de la moitié de ce prix. La bonne nouvelle, cependant, c'est que l'Elac réussit donc à faire l'essentiel.

Lorsque nous passons aux points réellement positifs, les choses commencent à devenir plus intéressantes. Il est difficile de réellement saisir quelque chose sans s’être assis et en avoir fait l'expérience par soi-même, mais l'Elac ne ressemble pas à une collection de composants (plateau, bras, cellule, etc.) volant ensemble en formation serrée, mais plutôt à un ensemble cohérent, avec un caractère sonore défini. Ce caractère est celui qui donne la priorité à l'espace et à la tridimensionnalité plutôt qu'à l'urgence implacable du top départ.

Le glorieux Me, Myself and I de Joan Armatrading est presque cinématographique sur l'Elac. Sans avoir l'air diffus ou confus, il y a une ampleur dans la façon dont la platine reproduit la musique qui est impressionnante et bien proportionnée. La puissance vocale légendaire d'Armatrading est intégrée sans effort à l'interprétation, sans qu'elle ne donne l'impression d'être une caricature d'elle-même.

Cette impression est favorisée par la réponse des basses proposée. Il est erroné d'associer la masse aux basses ; quiconque a passé un peu de temps avec la Rega Planar 10 sait qu'elle ne manque jamais de basses malgré son faible poids, mais il y a une force dans la Miracord 80 qui témoigne des près de quinze kilos de masse qu'elle comptabilise. Les Bowers & Wilkins 705 S3 ne manquent jamais de poids dans le bas du spectre, mais elles peuvent également refléter les changements dans le trajet du signal. L'énorme houle au début de How Long I'd Wait de Woodes est ressentie autant qu'entendue lorsqu'on réécoute le morceau avec l’Elac. Il est tout aussi important de noter que la définition et le contrôle de ces basses sont suffisants pour que tout soit convaincant.

Plus haut dans le registre, l'Elac est compétente, mais souffre de quelques limitations liées à sa cellule. La D96 est une bonne cellule à aimant mobile ; elle est exempte de la plupart des défauts les plus sévères qui peuvent affecter ses homologues, mais le prix qu'Elac demande pour une Miracord 80 est à moins de 500€ de la Rega Planar 8, et sa cellule à bobine mobile Ania. Si vous avez les moyens d'utiliser une conception à bobine mobile, il est évident que la Rega offre un niveau de réalisme et de richesse tonale que la D96 a du mal à égaler. Bien sûr, la D96 peut être connectée à un étage phono interne à aimant mobile, ce qui n'est pas le cas de l'Ania, mais il existe également des modèles à aimant mobile de Nagaoka et Goldring en particulier, pour lesquels je serais plutôt enclin à utiliser les 200€ économisés par l'absence de cellule.

En revanche, la Miracord 80 réussit plutôt bien à sonner de manière très plaisante. Comme nous l'avons dit, il ne s'agit pas d'un appareil au son exubérant, mais il y a une énergie, une dynamique dans la performance qui parvient néanmoins à captiver l'auditeur. Une revisite longtemps attendue de Play de Moby - certains d'entre vous pensent probablement avoir suffisamment entendu Play pour toute une vie, mais je vous promets que si vous ne l'avez pas écouté depuis quelques années, il vous ravira - met l'Elac dans son élément. Elle déploie un gros son, confiant, avec un vrai punch. Le rythme d'ouverture de Honey est énorme, confiant et extrêmement divertissant.

Si vous êtes satisfait de la façon dont l'Elac joue de la musique, il n'y a pas grand-chose qu’elle puisse faire qui pourra vous déplaire. Son tempérament est plus proche de celui de l'AVID que de celui de la Rega, car il s'agit d'un appareil plus factuel que les Planars, mais qui parvient cependant à ne pas être inintéressant ou stérile. Je dois dire que la Miracord 80 n'est pas une grande fan des mauvais pressages et que, lors de l’écoute de morceaux plus intimistes, on peut parfois avoir l'impression qu'elle essaie de donner plus d'espace à l'enregistrement qu'il n'en faut vraiment, mais, sur un large éventail de morceaux, et sur les deux systèmes de test, elle s'est comportée de manière admirablement cohérente.

« Il est difficile de réellement saisir quelque chose sans s’être assis et en avoir fait l'expérience par soi-même, mais l'Elac ne ressemble pas à une collection de composants (plateau, bras, cellule, etc.) volant ensemble en formation serrée, mais plutôt à un ensemble cohérent, avec un caractère sonore défini.  »